Interview avec Ombeline et Johann de Asylum Pyre

Asylum Pyre : le Power Moderne à la Française

Dans la foulée de la sortie de leur cinquième et excellent album “Call Me Inhuman”, Ombeline, chanteuse, et Johann, guitariste/chanteur de Asylum Pyre nous ont accordé une longue (et intéressante) interview pour nous parler de ce fameux album, du groupe et de sa place dans la scène Metal Française.

Vous venez de sortir votre nouvel album, « Call me Inhuman », qui est le cinquième volet d’une « saga » démarrée en 2013. Pouvez-vous expliquer rapidement aux personnes qui ne vous connaissent pas encore quel est le fil conducteur de la musique d’Asylum Pyre ?

Johann : C’est une bonne question. Ce qui me fait faire de la musique, c’est de pouvoir partager, avoir des refrains fédérateurs qui peuvent être chantés par tout le monde, c’est notre fil rouge. Après autour de ces refrains il y a des moments pour s’amuser et voyager mais toujours avec ce point d’accroche qu’est le refrain.

Pour ce qui est des thèmes abordés, c’est globalement lié à la nature. On est d’abord passé par une phase d’observation, de déclaration d’amour même à la nature, puis aux premiers questionnements sur la capacité autodestructrice de l’être humain, d’où le point d’interrogation dans le titre du premier album (« Natural Instinct ?» 2013).

Peu à peu une fois le constat passé, on s’est projeté dans le futur, 50 ans après, pour voir l’impact que cela avait au niveau de notre vie, de notre survie mais aussi l’impact sur nos comportements psychologiques lors de ce « pingpong » émotionnel avec la nature. Et enfin est venue l’envie de se rebeller, de se battre avec l’énergie du désespoir pour sauver ce qui peut encore l’être.

Parmi les thèmes que vous abordez, on retrouve notamment celui de l’écologie, qui est un thème récurrent dans vos albums. Est-ce important pour vous d’être engagés dans ce genre de combat et d’une manière générale, considérez-vous que le rôle d’un artiste est de porter des messages ?

Johann : Je ne peux pas faire autrement qu’être engagé et je le fais dans mon boulot hors musique également.

Ombeline : Pour moi l’artiste n’est pas obligé de porter des messages. L’Art c’est d’abord permettre aux gens de s’évader. Si des messages peuvent passer c’est très bien mais le but c’est avant tout l’évasion. Je trouve qu’il y a déjà suffisamment de choses pour nous dire ce qu’il faut faire, ce qu’il ne faut pas faire et je ne sais pas si les gens ont envie d’entendre ça dans un loisir comme la musique.

Ce n’est pas un peu paradoxale d’inviter les gens à s’évader dans un univers qui est quand même un peu anxiogène ?

Ombeline : Non, tout dépend du point de vue. Tu peux interpréter les choses de manière très réelle et très factuelle ou juste apprécier l’histoire. Ça dépend de la lecture de chacun. Tu peux très bien t’évader dans un univers dystopique. Après si le message est entendu, c’est très bien !

Johann : Il y a une sorte d’équilibre entre les messages qui me tiennent à cœur et la musique qui est assez lumineuse. Après, beaucoup de gens n’écoutent que la musique sans trop regarder les textes, même si c’est la première fois qu’on nous parle autant des paroles de nos chansons !

Est-ce qu’Asylum Pyre a été créé dans le but de porter cette cause et ces combats ou est-ce quelque chose qui est venu après ?

Johann : C’est venu après. Le groupe à la base a été conçu pour boire des bières (rires).

Est-ce que la pandémie de COVID19 vous a inspirée d’une certaine manière pour l’écriture de cet album ? C’est un peu un exemple concret des thématiques que vous abordez…

Ombeline : Disons que ça nous a conforté dans certaines choses qui avaient été écrites avant le COVID et que nous allons vivre surement d’autres événements divers et variés dans le futur.

Johann: D’ailleurs sur la pochette de « N°4 » on avait mis un masque sur la personne bien avant le COVID.

En définitive, diriez-vous que ce cinquième opus délivre plutôt un message positif ou qu’il porte un regard assez acerbe sur la société et l’humanité en général ?

Johann : Personnellement, si tu regardes les paroles, il est clairement dark, avec pas mal d’ironie comme sur le titre « Nowhere Dance ». Après il y a quand même un message d’espoir, fédérateur. On se bat et on essaye de faire quelque chose avec les gens biens.

Ombeline : Et puis ça reste malgré tout très rationnel, ce n’est pas gratuit. On pose des faits et on les raconte. Tout n’est pas perdu.

Vous évoluez dans un style qui n’a que très peu de représentants en France et qui mélange le Power, l’électro, le Sympho, le Heavy…. . C’est important pour vous de ne pas rester enfermés dans une case et d’explorer autant de genres que possible ?

Ombeline : On n’aime pas tellement les étiquettes et les cases. Notre musique est le reflet de ce qu’on écoute, de nos influences et de ce qu’on veut faire passer comme émotion. Pour mon instrument, je ne vais pas utiliser la même voix en fonction des paroles, ça n’aurait pas d’intérêt. Tout cela sert un support et c’est le plus important. Notre objectif c’est de faire des morceaux que l’on aime.

Johann : Je pense qu’on ne pourrait pas s’en empêcher surtout.

Ombeline: Et du coup c’est notre style !

Ce qui m’a énormément frappé sur cet opus c’est la qualité des mélodies et des refrains. Comme je le dis dans la chronique, c’est un album que l’on a envie de chanter et qui ne demande qu’à prendre vie sur scène. Est-ce que c’est un aspect de votre musique que vous avez cherché à travailler ?

Johann : Pour moi, 90% des chansons commencent par le refrain. J’ai du mal à trouver une chanson bonne si elle n’a pas de bon refrain, sauf dans le cas d’une musique Prog’ par exemple. Mais si la chanson a un refrain, il faut qu’il tue !

Il y a une attention particulière sur nos refrains, on les met peut-être mieux en valeur, notamment avec la voix d’Ombeline qui apporte beaucoup. On a passé du temps sur certains refrains comme celui de « Fighters », avec les contrechants qui sont arrivés peu à peu. On a eu la version finale deux jours avant l’enregistrement !

Justement, combien de temps a pris la réalisation de cet album ?

Johann : Une bonne partie était déjà écrite pendant la promo de « N°4 ». Les voix ont été enregistrées en juillet 2021. Après on a pris du temps pour chercher un label mais on n’a pas trouvé ce qu’on voulait.

Est-ce que vous avez le sentiment d’avoir évolué par rapport à l’album précédent dans votre façon d’écrire, de composer ou même dans votre façon d’appréhender la musique/votre musique ?

Ombeline : Pour ma part j’ai plus de confiance par rapport à ce que je peux proposer, je me suis sentie plus libre d’apporter des choses qui ne sont pas forcément dans le registre Metal.

Johann : On s’est aussi posé moins de questions et on a essayé de faire des choses plus instinctives, malgré tout le travail de détail qu’il y a derrière. Les morceaux sont venus de manière plus naturelle. Et puis on se connait mieux, avec un line-up qui est plus stable.

C’est en effet le second album que vous enregistrez avec ce même line-up. A l’écoute on ressent une grande complémentarité au niveau du chant sur des morceaux comme “Sand Paths”, “Fighters”… Comment avez-vous appris à travailler ensemble pour justement atteindre cette complémentarité ? Comment avez-vous tiré avantage de la voix d’Ombeline ?

Ombeline: Oui c’est vrai qu’il y a plus de complémentarité et pourtant ce sont des choses que j’avais déjà avant mais comme là j’étais présente depuis le début sur cet album, j’ai pu me libérer davantage et je pense que ce sera encore plus le cas sur le prochain album.

On travaille énormément sur les voix avec Johann. On essaye et on efface beaucoup.

Pour ce prochain album, vous savez déjà si vous allez rester sur le même registre ?

Johann: On a déjà commencé à écrire mais c’est un peu tôt pour se prononcer la dessus. On a déjà beaucoup changé de style depuis le début d’Asylum Pyre. On a construit une sorte d’état d’esprit et ce serait dommage de changer je pense. Et puis l’histoire est lancée et elle plait au groupe et aux fans donc ce serait pas mal de la continuer. L’important c’est de continuer à s’amuser dans cet environnement « Metallique » !

Pourquoi avoir choisi de commencer et de terminer l’album sur les bases de la même chanson ? Est-ce qu’on peut y voir un sens particulier comme par exemple la répétition des mêmes erreurs, des mêmes promesses… 

Ombeline : C’est du recyclage ! (rire) En fait Johann a eu la bonne idée de récupérer des bouts de cornemuses pendant que notre musicien était en train de s’échauffer. Après ce sont des chansons qui racontent une histoire, avec une intro et une outro. Tu refermes juste la quatrième de couverture. Et puis ça fait du bien d’avoir quelque chose de calme à la fin après toute cette énergie dans l’album.

Johann: C’est dans la thématique de l’album, les fighters qui se reposent jusqu’au prochain combat.

On sait que c’est toujours très compliqué pour un groupe de percer et de vivre de sa musique pour plusieurs raisons : la concurrence, l’environnement, le style de musique… Et c’est d’autant plus frustrant quand on est un groupe de qualité et reconnu par la critique. Comment vous gérez cette frustration de pas être reconnus à votre juste valeur et quelle stratégie/état d’esprit adoptez-vous ?

Johann : C’est un peu la loi de l’évolution. La façon dont les gens écoutent de la musique a évolué et on ne peut rien y faire donc il faut l’accepter, tout en essayant de se servir de cet environnement pour faire quelque chose de cool. Certaines personnes aujourd’hui voient leur métier disparaitre, c’est comme ça. Il y a une évolution dans le monde de l’Art.

C’est vrai qu’on aimerait mieux vivre de notre musique, faire plus de tournées, d’albums. C’est parfois frustrant même si on en retire des énergies positives. On est en mode conquérant et puis on a de très bons retours sur l’album.

Le Power Metal souffre d’un manque criant de visibilité et de reconnaissance en France. Quand-est-ce qu’on fait une révolution pour changer ça ?

Johann : C’est vrai qu’il y a plein de groupes en France comme Galderia, KingCrown, Dust in Mind… il faudrait que tous ces groupes puissent exister. Après la hype aujourd’hui n’est peut être pas dans le Power mais plus sur le Death Metal.

Et pourtant, vous êtes un groupe efficace en live, avec un bon « CV ». Récemment vous avez fait la première partie d’Orden Organ. Que retenez-vous de cette expérience ?

Johann : Ils sont très sympas, les membres du groupe sont accessibles, nous avons passé un très bon moment.

Un mot pour la fin ?

Johann: Nous sommes super contents des retours que l’on a actuellement. On a mis le meilleur de nous même dans cet album et chaque jour on  a des gens qui nous contactent pour nous dire que l’album est bien ou qui le partagent sur internet. C’est super gratifiant, et c’est la première fois que ça nous arrive autant !

Asylum Pyre nouvel album Call me Inhuman

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AlexPMF
AlexPMF
Pirate des temps modernes chevauchant le monde sur son dragon, un violoncelle dans la main et une bouteille de bière dans l'autre. Mes références : Running Wild / Powerwolf / Gloryhammer / Rhapsody